De notre correspondante en Israël.
Dimanche matin, peu avant 10 heures, le docteur Sabet vient de quitter sa
maison de Tulkarem en Cisjordanie, à la frontière avec Israël. Quelques minutes
plus tard, sa voiture est la cible(objetivo) de tirs en provenance
d(procedente de)'une voiture militaire israélienne. Transporté à l'hôpital, ce dentiste de
quarante-neuf ans, un des dirigeants du Fatah, succombe à ses blessures (14
balles en pleine poitrine, selon l'association Médecins pour les droits de
l'homme) après avoir murmuré " ils m'ont liquidé ".
Le Dr Sabet n'est pas le premier militant palestinien à succomber aux tirs
israéliens lors d'opérations qui ressemblent à s'y méprendre à des règlements de
comptes. Près d'une dizaine de dirigeants de la branche armée du Fatah mais
aussi du Hamas ou du Djihad islamique ont été tués de cette manière depuis le
mois de novembre. L'armée israélienne confirme rarement son implication. En
général, le porte-parole(portavoz) militaire se contente d'affirmer
que " les militants palestiniens ont été tués lors d'échange de tirs avec
Tsahal. "
Le premier ministre Ehud Barak a reconnu à demi-mot(reconocer sin
necesidad de palabras) la responsabilité israélienne dans l'assassinat de
Sabet, précisant lors d'une conférence de presse que " l'armée garde(conservar,
retener) la liberté d'agir contre ceux qui menacent nos citoyens ".
Pourtant, le Dr Sabet, est connu comme étant un ardent partisan de la paix et un
militant au sein d'associations israélo-palestiniennes. Surtout, ce proche de
Marwan Barghouti, le chef des Tanzim (branche armée du Fatah), est le militant
du Fatah le plus élevé dans la hiérarchie palestinienne à avoir été victime des
tirs israéliens.
Ces " liquidations " sont révélatrices(reveladoras) d'un
changement tactique opéré par l'état-major israélien. Passé le premier mois
d'intifada, le conflit change d'aspect. Les Palestiniens ne tombent plus la
pierre à la main durant des manifestations mais lors d'échanges de tirs avec
l'armée. Face à(ante) cette guérilla(guerrilla), les
officiers israéliens, qui parlent désormais de " libanisation ", comprennent que
bombarder Gaza ou Ramallah n'arrêtera pas les combats. Ils
décident d'adopter une approche plus " efficace " en s'en prenant directement à
des dirigeants militaires palestiniens. Ces opérations portent la marque
des unités d'élite qui travaillent en étroite coopération avec les
services de sécurité intérieure (le Shin Beth), chargés de surveiller les
moindres faits et gestes des militants palestiniens.
Une telle coopération est censée(se supone que) rendre l'action plus
précise. Mais les dérapages(deslices) ne sont pas exclus.
Ainsi le 9 novembre, la voiture de Hussein Abayat, commandant du Fatah dans la
région de Bethléem, est bombardée par un hélicoptère israélien. Il est soupçonné(sospechoso)
d'avoir participé à une série d'attentats contre des soldats israéliens et
d'être à l'origine des tirs contre Guilo (quartier de Jérusalem annexé par
Israël). Deux Palestiniennes d'une cinquantaine d'années, qui se trouvaient non
loin de là, sont également tuées lors de l'attaque.
Cette nouvelle politique a été confirmée par certaines
sources militaires. Interviewé la semaine dernière par la radio de l'armée, un
officier supérieur reconnaissait qu'il s'agissait " d'une nouvelle méthode
destinée à faire face à l'intifada " et affirmait que certains des "
Palestiniens tués s'apprêtaient(se aprestaban) à commettre un
attentat anti-israélien. "
Pour Ghassan Khatib, politologue(politólogo) et directeur du
centre de communications de Jérusalem, " de telles pratiques ne font
qu'alimenter l'intifada. En outre, elles ont un effet désastreux(desastroso)
au sein de la population palestinienne, en renforçant les mouvements
d'opposition au processus de paix ".
Gidéon Lévy, correspondant chargé des affaires palestiniennes au quotidien
libéral Haaretz, met en cause le gouvernement : " De telles opérations, menées à
haut niveau, bénéficient forcément de l'approbation du premier ministre et
ministre de la Défense, Ehud Barak ", dit-il avant de mettre en garde contre une
éventuelle réaction palestinienne. " De nombreux militants vont vouloir se
venger. Et cette fois, ils ne viseront(apuntar)
plus des soldats mais des officiers israéliens. "
Yaël Avran
|