Une exposition au Musée d'Orsay montre les essais graphiques du danseur ainsi
que les représentations qu'en donnèrent les grands artistes, ses contemporains.
Le Musée d'Orsay rend un vibrant hommage à Vaslav Nijinski (1889-1950),
disparu il y a tout juste cinquante ans. Le danseur et chorégraphe reprend vie
sur murs et sur toiles. Les commissaires, Martine Kahane et
Erik N„slund, n'ont pas ménagé leur peine. L'exposition, qui court sur quatre
salles, fourmille(abunda) d'objets : photographies, dessins,
peintures, sculptures, costumes de scène, esquisses(apunte, esbozo)
de peintres... La dernière salle réserve une surprise de taille puisque l'ouvre
peint de Nijinski s'y lit d'abondance. Des dessins à la mine de plomb, d'autres
au pastel gras ou à l'aquarelle, dansent et inquiètent depuis leurs yeux rougis(enrojecidos).
Les regards s'emboîtent(encajarse) comme en un jeu de poupées(muñecas)
russes, creusant d'énigmes ces faces qui n'en sont pas.
Masques mongols, cernés(rodeado, delimitado) d'arabesques, de
formes géométriques, tous prisonniers d'un lacis(plexo, laberinto) de
traits tendus comme la corde d'un pendu(ahorcado). Des rouges savants
fardent(maquillar, disfrazar) les joues de ces figures d'écorchés
vifs(quisquillosos) du dedans. Rythmes tragiques et trajectoires
rythmées scandent(escandir, gritar) un ensemble constitué de bleu,
d'orange, de noir et de rouge. Une ligne musicale semblent courir en sous-main.
Le cercle domine. Et l'on sait que Nijinski, fin lecteur de Tolstoï, connaissait
Qu'est-ce que l'art ?, ce dernier ouvrage dans lequel il est dit que " la vie
est une spirale ". Tout, dans le travail du peintre Nijinski, semble informé par
la force d'un esprit soumis à des phases de surchauffe(sobrecalentamiento)
qui consument tout.
Cette exposition, qui suit la chronologie, n'en a pas moins l'apparence d'une
quête fervente(ferviente, entusiasta). Maillol, Modigliani, Cocteau,
Rodin..., chacun y va de sa version du divin danseur. Celui de Cocteau - qui fut
grand chroniqueur de la vie des Ballets russes -, est saisi de profil, depuis
son cou large comme une colonne, ses vêtements " déformés par les muscles ", son
profil faunesque à l'oreille pointue, non sans bouderie(enfurruñamiento)
des lèvres.
Celui de Modigliani s'étire(estirar) comme un jour sans pain(como
un día sin pan). Le cou, très long, rencontre les lignes d'un doux ovale;
le corps noueux se rajuste; les proportions s'équilibrent. Un vrai prince de
miniature persane. Maillol le croque(dibujar) en esquisses rapides,
mais le juge "trop musclé " à son goût. " C'était un modèle idéal pour Rodin ",
disait-t-il. Mais des esquisses et plâtres(escayolas) de Rodin, il ne
reste rien, ou si peu. La faute(falta, culpa) en revient peut-être à
Serge Diaghilev qui, un jour où Nijinski posait pour le maître, déboula(entrar
corriendo, de sopetón) dans l'atelier pour faire une scène.
Ainsi le projet d'un marbre herculéen s'effondra(hundir, desmoronar)
pour cause de jalousie. Ne sont conservés que de rares plâtres, à l'origine
incertaine, où l'on croit reconnaître le corps d'athlète du danseur, aux muscles
hérissés(erizados) sous la pression des doigts. Bourdelle enfin,
sculpta les mains de Nijinski dans l'attitude du " faune " : les voici de profil,
bien sûr, en aplat relatif. Les pouces suggèrent la puissance du désir.
De Bourdelle encore, on retiendra la célèbre frise qui orne le frontispice du
Théâtre des Champs-Elysées : il a réuni là Nijinski et Isadora Duncan, qui se
croisèrent dans la vie sans trop s'apprécier. Le danseur s'extirpe de la pierre
à force de gestes, quand elle y entre bille(bola, canica) en tête. Il
y a aussi, entre autres, des costumes de scène : ceux des sept nymphes(ninfas)
de l'Après-midi d'un faune, lesquels voisinent avec une série de clichés sur le
même thème, dus au baron Adolph De Meyer. Exposé dans une salle aveugle(ciega),
l'ensemble, déroulé(desarrollada) comme une fresque, vit autonome, indifférent au reste.
M. S.
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